Alimentation et dépendance
Les trois composantes du circuit : liking, wanting, learning
Nous allons ici voir comment se comporte ce que l'on appelle « circuit de la récompense ». Il s'agit d'un système fonctionnel fondamental que possèdent les mammifères, situé dans le cerveau. Il est indispensable à la survie car il procure la motivation nécessaire pour réaliser des actions préservant l'individu et même l'espèce, qui sont naturellement gratifiantes, telles que manger, boire, se reproduire, ou simplement avoir des relations humaines lors de la recherche de plaisirs (à noter que plaisir = récompense). Nous considérerons ici la consommation et ainsi la gustation pour récompense, afin d'approfondir sans ambiguïté notre sujet. On possède de la même manière deux autres circuits qui, se combinant à celui de la récompense, sont à l'origine de nos comportements. L'on distingue alors un circuit de la punition (ou "évitement de la douleur"), qui provoque la lutte ou la fuite, permettant de faire face aux situations déplaisantes. Il fonctionne de manière analogue au circuit de la récompense qui est basé sur une libération de dopamine, mais avec l'adrénaline. Un autre système est observable, il permet cette fois de subir l'action passivement : système inhibiteur de l'action.
Schéma récapitulatif de la régulation de nos comportements
Le circuit de la récompense, sur lequel notre étude se fonde, est composé de trois étapes essentielles :
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La composante affective (« liking ») qui est responsable du sentiment de bien-être après obtention de la récompense ou de déplaisir. Il s'agit alors d'une évaluation immédiate et involontaire du goût de l'aliment ingéré et deux impressions peuvent se dégager : positive ou négative. On peut mesurer ces niveaux d'acceptabilité en fonction des expressions faciales qui s'affichent chez le sujet. Nous pouvons prendre l'exemple de l'enfant (et de plusieurs autres espèces animales comme les singes, rats ou souris qui ont des mécanismes de perception des goûts qui nous sont similaires), chez qui un goût sucré provoquera une légère protrusion de la langue (action d'aller vers l'avant de la bouche) ainsi qu'une expression détendue alors qu'un goût amère incitera aux grimaces. On constate que cette perception de l'aliment est modulable par plusieurs facteurs tels que l'état physiologique (faim/satiété), ce que l'on appelle la « satiété sensorielle spécifique », lorsque la consommation d'un aliment spécifique ne provoque plus de plaisir, l'appétit spécifique s'installant dans un contexte particulier ou encore les anciennes expériences vécues par l'individu.
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La composante motivationnelle (« wanting ») s'identifiant comme la motivation ressentie pour obtenir la récompense (ou éviter la punition). La perception de l'aliment par nos sens, ou la simple imagination de celui-ci produit une motivation, poussant l'individu à rechercher et/ou consommer la récompense. Les mécanismes neurochimiques de cette composante étant très diversifiés, elle est facilement activée.
Il est important de mettre en avant la différence entre le liking et le wanting, bien qu'ils apparaissent souvent simultanément. « J'aime », ne correspond pas forcément à « J'en veux » et inversement. On distinguera alors respectivement deux types de consommation : hédonique et homéostatique.
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La composante cognitive (« learning ») aussi appelée apprentissage, donc liée à un gain de connaissance. Il s'agit de l'apprentissage d'un lien entre une action et une récompense. Ce processus est essentiel puisqu'il va modifier notre comportement vis-à-vis du monde extérieur, et il est en lien direct avec la mémoire, qui stocke les informations passées et permet de s'en souvenir. On pourrait en effet dire que la mémoire est le fruit de l'apprentissage. Le goût, l'odeur ou même la vue d'un aliment déclenche notre mémoire sensorielle et peut alors s'inscrire dans la mémoire sémantique, suite à des expériences répétées (voir tableau ci dessous pour une meilleure visualisation des relations entre mémoire et apprentissage). Ces informations recueillies restent à vie. Des traces de cet apprentissage peuvent être trouvées dans nos réseaux de neurones, et les synapses par exemple, sont utiles au stockage de données (avec la PTL abordée dans le dernier paragraphe de cette rubrique).
Selon Kent C Berridge, Terry Robinson et Wayne Aldridge, trois scientifiques contemporains spécialisés dans la psychologie et les neurosciences, le liking est considéré comme un composant hédonique (the hedonic component), le wanting comme élément stimulateur (incentive factor) et le learning comme permettant de prévoir les comportements (predictive element). Ils exposent cela dans cet article publié en 2009, pour plus de détails.
Les différents types de mémoire
Source : 100 idées pour développer la mémoire des enfants, Béatrice Risso, 2013
L'apprentissage peut se faire selon un « conditionnement classique ou pavlovien » consistant à l'établissement d'un lien entre deux stimulus qui n'ont pas de lien, concept incluant :
- Un stimulus neutre qui ne déclenche tel quel aucun réflexe.
- Un stimulus inconditionné qui va déclencher une réponse réflexe, sans apprentissage préalable.
- Un stimulus conditionnel initialement neutre qui, après avoir été associé à un stimulus inconditionné (conditionnement), déclenche une réponse conditionnelle.
- Une réponse inconditionnelle qui sera induite par un stimulus inconditionné.
- Une réponse conditionnelle est déclenchée par un stimulus conditionnel associé à un stimulus inconditionné.
Il s'agit de l’expérience du chien de Pavlov, que l'on retrouve illustrée sur de nombreux schémas comme celui ci-dessous.
Schéma de l'expérience du chien de Pavlov
Voici donc le premier type de conditionnement que l'on trouve. Un autre est le « conditionnement opérant ou instrumental » qui lui consiste à établir un lien entre une action et le résultat de cette action. Ce concept fait intervenir les variantes suivantes :
- Un comportement qui peut être observé. On peut en distinguer trois types : alimentaire, social et sexuel.
- Une conséquence positive ou négative, résultat d'un certain comportement.
- Un stimulus descriptif, permettant à un individu d'associer un comportement à une conséquence.
- Une règle, consigne indiquant qu’un certain comportement va entraîner une certaine conséquence.
On peut ensuite observer deux types de « renforcements », qui permettent d'intensifier le comportement : le renforcement positif, qui consiste en un stimulus agréable procuré par la démonstration du comportement qui poussera ainsi l'individu à réitérer ce même comportement (ex : un individu travaille dur, il est récompensé d'un cadeau, donc ça le poussera à continuer de travailler dur), et le renforcement négatif, qui lui amène à enlever un stimulus désagréable pour favoriser le renouvellement du comportement (ex : changer de route pour aller plus vite ou éviter les bouchons poussera à la reprendre).
Il existe également un concept de « punition » mais qui à la différence du renforcement qui augmente la probabilité d'un comportement, il s'agit d'un stimulus procuré après la démonstration du comportement qui diminue la probabilité que le comportement se reproduise. De même, il existe une punition positive consistant à ajouter un stimulus pour défavoriser la réapparition d’un comportement (ex : un enfant fait une bêtise, sa mère lui donne une fessée (le stimulus) donc l'enfant ne la refera plus) et une punition négative, étant la suppression de quelque chose d'agréable dans le but de diminuer l'apparition du comportement (ex : l'enfant fait une bêtise, sa mère le prive de dessert, l'enfant ne la refera plus).
Pour résumer le conditionnement opérant, nous avons réalisé le tableau suivant :
Ces deux conditionnements relèvent d'un apprentissage.
On peut ainsi voir que les trois composantes du circuit de la récompense se combinent et "guident" nos actions.
Sources :
Thèse de UNIVERSITE TOULOUSE III par Sabine Yazbeck
Le cerveau à tous les niveaux
Encyclopédia Universalis
Le PDF "circuit de la récompense/motivation/plaisir"
Lapsychologie à propos du conditionnement opérant
Explorable à propos du conditionnement opérant également.
Dissecting components of reward: liking, wanting and learning. Curr Opin Pharmacol 2009:9:65-73